
LE 5 NOVEMBRE, NOTEZ CETTE DATE !
LE DERNIER TOM NOTI EN LIBRAIRIE.
« Si vous n’aviez qu’un ami,
mais qu’il était fan de karaoké...
Si vous n’aviez qu’un frère,
mais qu’il était parti vivre sa passion loin de vous...
Si vous n’aviez qu’une passion,
mais que la vie l’avait mise en sourdine...
Et si vous receviez des textos de votre mère,
mais qu’elle était pourtant morte depuis des années… »
Immanquable moment !
NOS SILENCES NE SONT PAS DES CHANSONS D'AMOUR
Tom NOTI
- 1 - Mes emmerdes (C. Aznavour)
Je n’ai jamais eu de bol. Il y en a qui naissent avec un patrimoine génétique favorable, une étoile sur la tête, une bonne fée, une cuillère en argent… Un truc qui brille. Moi, non. Une cuillère en alu. Une assiette Arcopal. Un bol de Minestrone… avec les légumes quasiment entiers qui surnagent.Certains ont l’argent seulement. Sans la cuillère. Ils héritent de la tante Bertille qui était restée vieille fille. Alors que mes oncles italiens ont procréé comme des lapins. Famille nombreuse et ritale. Ça aussi c’est la tuile. L’ardoise à régler. Il conto per favore. Il y en a qui croisent la route de Penelope Cruz. Pénélopé…Mais pas moi. Pas de chance. Que peiné… La seule route que j’ai croisée, c’est celle du tramway, à Montpellier. Bien croisée d’ailleurs. Juste là, au-dessus de l’arcade et sur le haut de ma pommette gauche. Le rétroviseur du tramway. Petite cicatrice blanche qui dépasse du sourcil et légère boursouflure au-dessus de la joue qui rend ma tronche asymétrique. Ça attire l’œil de certaines, ces courbes faciales disgracieuses, et parfois même elles les suivent de la pulpe de leur index. Un frisson comme l’espace ou le vide. L’amante aimantée.La plupart du temps, ça fait surtout rire les gens, mes cascades, mes plaies et mes bosses. Surtout Ludo, mon collègue de boulot, mon ami, mon fan-club à lui tout seul. Dès qu’il m’arrive une tuile, je lui raconte et il se marre. Mon meilleur public. Ça dure des mois, lorsque la tuile a la taille d’un transport en commun. Il revient à la charge, il insiste, il appuie là où ça me fait mal, de ses insinuations pesantes, le bougre. Chaque fois, je lui rappelle que les blagues les plus courtes… que le comique de répétition… que c’est comme le refrain de certaines chansons qu’il aime : insupportable. Mais non, rien n’arrête ses rengaines, l’a jamais fait dans l’apesanteur, Ludo. Et souvent, sa lourdeur finit par m’assommer. Parce que les cicatrices, moi je les sens toujours, qui gondolent ma peau, comme le parchemin de mes déveines. Aussi, chaque fois que je croise Ludo au boulot, il me chantonne « ça fait mal » de Christophe Maé... comme si apparemment, c’est tout ce qu’elle méritait, ma vie actuelle comme bande-son : Ludo et ses chansons pourries… Comme Aimable et son orchestre, mais en moins ringard et en plus aimable mon collègue Ludovic, mon ami. Vous le constaterez.En résumé, puisque là aussi, je m’étale trop, on pourrait dire que ce sont donc les tuiles qui chapeautent ma vie. Ma charpente. « La disharmonie de mon toit reflète celle de mon moi ». C’est à peu près ce que m’a dit un jour, Ludivine Charmant, la Directrice des Ressources Humaines de la boîte où l’on bosse. Elle aurait sans doute aimé être psy… ou architecte… C’était à midi à la cafétéria de notre boîte. J’ai répondu un peu sèchement à ses mots humides de potage au Cumin et elle a conclu grossièrement que j’étais vulgaire. J’ai préféré me taire, le nez dans mon hachis, éviter l’escalade de toiture sur laquelle se seraient posés quelques noms d’oiseaux. À côté de moi, Ludo était plissé de rire. Oui, il ne s’esclaffe pas Ludo, il se plisse et émet quelques sifflements silencieux par le nez. C’est un peu étrange à observer. Mais le plus étrange est finalement de constater que je n’ai que cet ami un peu bizarre. Mon frère disait : « Les amis, c’est comme les boutons d’acné ; ils sont souvent de passage, au mauvais moment, ils masquent ce que tu es vraiment et surtout t’empêchent de choper les gonzesses. » Il faut dire que chez nous, il y avait tellement d’oncles, de tantes, de cousines et surtout de cousins qu’il restait peu de place pour les amis ! Pas du tout, d’ailleurs. « Amico, va f’enculo ! » : la devise de ma famille. Eux, oncles, tantes, cousines, cousins, en revanche, ils étaient tous et toujours là, entassés à la table du repas de Noël, aux anniversaires, aux communions, aux mariages, aux enterrements… A bien y réfléchir, ils sont tous, toujours là, dans un coin de ma vie, dans un coin de ma tête, de part et d’autre des avenues et des rues d’Alès, où je vis depuis mon enfance. Et je poursuis mon chemin en les évitant tous, autant que possible. Ces visages derrière des carreaux, ces silhouettes derrière des rideaux, ces noms en i et en o sur les boîtes aux lettres : ma famille. Je marche dans cette ville et aussi dans la vie, comme un enfant arpente les catacombes aux murs tapissés de gisants… Je passe mon temps à leur échapper, et sans me vanter, j’y suis pas mal parvenu jusque-là. Je me suis toujours senti comme un satellite de cette smala. Voilà, je suis un satellite bien perché, cabossé et que certains n’hésiteront pas à juger « en perdition ».Si l’on fait fi de quelques points de sutures et des diverses cicatrices, je dois tout de même avouer qu’il existe certains aspects positifs à toutes les emmerdes que j’accumule. Le premier étant que ça fait toujours sourire les gens quand je les énumère lors des soirées où l’on s’ennuie un peu. Pour un taciturne comme moi, il me faut juste un peu de fumée ou quelques verres et je me livre comme un roman trop bavard. Les gars rient férocement. Les filles, elles, ça les fait marrer aussi. Forcément. Un sourire timide de leur part, puis je poursuis, puis j’exagère un chouia, lorsque l’alcool est doux, et elles s’esclaffent. Finalement. Un gloussement parfois, mais ça peut être suffisant. Fille qui rit… Ouais, là aussi, il y a pas mal de trafic et de carambolages ! Attention, je ne dis pas ça pour me vanter, loin de là ! Ce serait plutôt un problème chez moi, l’instabilité, les filles qui sourient en passant. En passant seulement... Même si quelques-unes restent dormir plusieurs nuits, un certain temps parfois, aux réveils ce n’est pas la même sérénade. Les histoires du coucher ça les fatigue à l’aube naissante. Les tuiles ça ne protège que de la pluie, pas de l’usure du temps, ni des nuages intérieurs. « Bouge-toi. Grandis un peu, il faudrait passer à autre chose, non ? » En général, ce sont elles qui passent à autre chose. Ou plutôt, à l’autre show d’un autre amoureux. Un autre homme. Un homme stable, qui tient sur ses deux pieds, un type qui porte des chemises, un type sérieux. On peut le dire, ça ? « Passer à autre homme ? » comme on passe à autre chose ? « Passer de l’âne au coq » ? Salauds de volatiles.Voilà pourquoi cette histoire bizarre ne m’a même pas étonné, en définitive. "
ISBN 979-10-97515-32-4
Livre broché - 250 pages
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