"L’infortuné inconnu n’avait même pas esssayé de me la voler. Non, il n’avait fait preuve d’aucune agressivité. Un jeune tout ce qu’il y avait de plus poli. Ce qui ne l’avait pas empêché de se faire égorger. Comme quoi, on a raison de dire qu’il faut toujours se méfier des honnêtes gens. Parce que pour être quelqu’un d’honnête, j’en suis un. Jamais volé une cerise dans un verger ou un crayon chez un papetier. La probité personnifée. En me rendant dans la salle de bains afin de constater l’étendue des dégâts sur ma chemise, mon passé, que j’avais enfoui au fond de ma mémoire, refait soudainement surface. Toutes ces années s’étaient écoulées sans qu’il ne se manifeste et là, à cause ou grâce à ce yaourt, il remonte tel que remonte du fond de l’estomac du vomi avant de jaillir hors de la bouche. En jets puissants. Je les revois quasiment en même temps, tous ces gens que j’ai tués. Ce n’est pas beau à voir, croyez-moi. Mais c’est comme ça. C’est la vie. Du moins, c’était ma vie. "