El viento, la lluvia- Le vent, la pluie
Je vais sur mes quarante-deux ans, mais ta venue au monde me donne le sentiment d’en avoir vingt. Le printemps répand sa lumière et toi tu fais tes premiers pas dans le jardin. Les brins d’herbe fine et la brise t’émerveillent, tout comme le vol d’un papillon. Prudente, tu te laisses tomber sur le der- rière, mais aussitôt, tu te relèves pour faire deux ou trois pas de plus. Je n’interviens pas. au bout de quelques minutes, tu marches pour de bon.
cinq années ont passé et moi j’en ai cent. Tu pé- dales sur la place du village et je t’aide un peu, car j’ai démonté les roulettes de ton vélo. À deux reprises, tu heurtes les tables en plastique des ter- rasses des bistrots, mais tu repars en répétant je vais y arriver sous l’œil amusé du cafetier. au bout de quelques instants, tu tiens en équilibre et tu te re- dresses. Heureux, je suis du regard le ballet de ton casque aux couleurs de l’arc-en-ciel.
J’ai réglé mon pouls sur le tien, ma fille. Chacun de tes sourires me réjouit et pas une ombre qui passe sur ton visage ne m’échappe. Lorsque, rêveuse, tu penches la tête en te perdant dans le bleu de tes yeux, j’ai l’impression de me revoir à ton âge. aus- si, je fais comme si le reste n’existait pas. Je préfère m’étourdir.
Depuis trop longtemps, le regard de claire glisse sur moi et se détourne. Souvent, je l’observe, je guette un reste de chaleur, mais dans ses yeux brille la lumière d’étoiles mortes depuis des an- nées. Dans notre cheminement, tout vacille faute d’élan. Je dois la quitter, enlever ces roulettes qui maintiennent artificiellement la trajectoire, mais je serai toujours là pour toi.