Journée de tempête en Bretagne.
Les vagues malmènent le cadavre d’une femme.
Yvan Rivarol, passionné de surf, journaliste, le ramène sur la plage et constate de profondes entailles sur les flancs.
L’affaire classée trop rapidement à son goût, le journaliste décide d’enquêter sur cette mort suspecte.
Elle le plonge dans le noir passé du village et de la forêt de Langoat, là où une mystérieuse ombre a sévi, provoquant le chaos…
LE JOUR DE L'OMBRE
Bertrand BRÉNEAU
22 mars de cette année
Les conditions météorologiques sont exécrables sur la côte sauvage de Kergoual, en Bretagne, mais pas pour le surf, ni pour Yvan Rivarol. Trente-cinq ans, dont douze à pro ter de ses reportages à travers le monde pour dompter les plus belles vagues. De l’Australie au Nicaragua, en passant par les Phi- lippines, dès qu’il y a de l’eau, de la houle et des planches à louer, le cameraman reporter répond présent.
Aujourd’hui, c’est sa dernière session avant de ren- trer chez lui, à Paris. Il compte bien ne pas la gâcher et en pro ter au maximum.
Les vagues sont un véritable chantier, comme disent les surfeurs, cela signi e que la houle est en désordre, la faute à un vent de force cinq qui souf e sans discontinuer depuis la veille au soir. Rivarol a eu des dif cultés pour franchir le premier rideau de vagues. Voilà maintenant une heure qu’il a entamé sa session, ses membres s’engourdissent à cause de la température de l’eau, à peine treize degrés. Assis sur sa planche, il guette l’horizon avec avi- dité, cherchant la vague qui le ramènera sur le bord pour clore ses vacances en beauté. Ce sera la der- nière. Alors il faut qu’elle soit parfaite. Ce satané vent d’ouest lui complique toujours la lecture de la houle. Rivarol rame régulièrement pour se maintenir, selon lui, au meilleur endroit, cela lui demande une importante débauche d’énergie.Celle-là ! S’encourage-t-il en s’allongeant immédia- tement sur sa planche. Il jette un coup d’œil derrière lui, la vague se forme comme il l’espérait. Maintenant ! Pour acquérir un maximum de vitesse, il pousse de toutes ses forces sur ses appuis, jusqu’à sentir l’effet d’accélération.
C’est la bonne, jubile-t-il intérieurement.
La vague accepte de l’emmener. Rivarol réussit à se mettre debout sur sa planche, il adore cette sen- sation. Un large sourire s’étire sur son visage. Tout ce qu’il veut maintenant, c’est pro ter le plus long- temps possible de ce moment de plénitude. Pour le fun, Rivarol se baisse sur ses appuis. Du bout des doigts, il ef eure l’eau avant de changer de trajectoire, car la vague se referme et pourrait l’em- prisonner. Maintenant, il fonce droit vers la plage à bord de son taxi d’écumes sauvages. Il se sent bien. Le bonheur dans ce qu’il a de plus simple à offrir. Soudain, sans comprendre pourquoi, Rivarol chute ! Brassé. Malaxé. Désarticulé. Roulé dans tous les sens par la puissance de l’océan. Après une longue apnée imprévue, il parvient à ressortir la tête de l’eau. Vexé de terminer ses vacances sur cette mauvaise note, il cherche aussitôt la raison de son déséquilibre.
J’étais pourtant bien posé sur ma planche. La vague m’emmenait tranquillement. Aucune raison que je nisse dans la machine à laver, s’étonne Rivarol. Puis, à cinq mètres devant lui, son attention est attirée par une masse sombre. Celle-ci otte de manière suspecte.
Au premier abord, il dirait qu’il s’agit d’un tronc d’arbre, mais il n’en est pas sûr. À l’aide du Leach il ramène sa planche et s’allonge dessus tout en gardant sa découverte à vue. Piqué par sa curiosité, il décide de savoir ce qui a abrégé son moment de bonheur.
Une nouvelle avalanche d’écume déferle derrière lui, engloutissant la curieuse masse sombre. Main- tenant qu’il a pied, il va pouvoir s’occuper de son étrange tronc d’arbre. Où est-il passé d’ailleurs ? Il le cherche dans la mousse bouillonnante, puis l’aperçoit en n, malmené par les vagues succes- sives. L’océan hésite, ne sachant s’il doit le garder dans son ventre ou le rejeter sur la terre ferme.Sa planche de surf le gêne dans sa progression contre le courant, Rivarol décide donc de la dépo- ser sur le sable. Une fois fait, il rentre à nouveau dans l’eau, s’approche dif cilement de son objectif. À chaque pas, il le distingue plus nettement et se doute malheureusement de la nature de l’O.F.N.I (1). Ce n’est pas un tas d’algues, ni un let de pêche, et encore moins un tronc d’arbre.
Lorsque l’océan daigne lui abandonner sa triste offrande, le doute de Rivarol se con rme. Il s’agit bien d’un corps humain : celui d’une femme.
Un œil à la ronde, il constate qu’il est seul pour s’oc- cuper de cette pauvre femme. Il va devoir la sortir de l’eau par ses propres moyens. Il saisit le cadavre par les aisselles et le tire vers la plage. Le courant l’aide dans cette manœuvre, mais ses appuis deviennent instables dès qu’une vague le frappe. Après un effort de plusieurs minutes, il réussit à extirper le corps de la femme jusque sur le sable. Un genou au sol, il essaie de reprendre son souf e et des forces, car la mise à l’abri du corps n’est pas terminée.(1)- Objet Flottant Non Identié.
Les vagues viennent encore lécher les pieds du cadavre, comme si elles voulaient le reprendre, ou bien lui dire adieu. Après une profonde inspiration, le journaliste le remonte de dix mètres.
Une fois en sécurité, Rivarol se laisse tomber sur le sable, éreinté par les efforts fournis. Tout en reprenant son souf e, un nombre incalculable de questions se télescopent dans sa tête. La vue du cadavre ne le perturbe pas, car il en a déjà vu beaucoup dans son métier. En effet, le journaliste a travaillé dans les contrées les plus violentes du globe, et à ce titre, il a régulièrement affaire à la mort, il l’a d’ailleurs frôlée plusieurs fois.
ISBN 979-10-97515-35-5
Livre broché - 300 pages
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