"Tellement plus rares étaient ceux qui misaient sur la solitude et l’immobilité. La petite phrase révélatrice de cet état de fait étant le fameux : « Alors, qu’est-ce que tu deviens ? » Si vous répondiez « rien » et que vous rajoutiez bredouillant, presque en vous excusant, un : « Je m’efforce d’Être, un petit peu... », on ricanait, on vous tournait le dos à la vitesse de l’éclair. Le gâchis est inexcusable. Toute cette énergie inemployée ! Et pourtant...
Lui Raphaël, ce qu’il veut, c’est être un geomètre arpenteur des lacs sentimentaux, un charpentier de la pensée. Chaque jour œuvrer pour que toute heure soit un travail de marqueterie, fignoler çà comme un enlumineur. Carcasse, solives, poutres, corbeaux, chevrons... et le tout chevillé, tenons, mortaises, en bons bois d’acacia d’olivier ou de chêne. Faire tenir ces enchevêtrements polychromes sous les lunes montantes d’avril. Oui, c’est çà le bon savoir après qui il galope. Qu’on lui apprenne enfin ce qui semble dérisoire et inutile. Ces petites choses qui, mises bout à bout, nous dévoilent la beautédu monde. Il est un primitif. Un peintre des cavernes. Alors aux hommes importants, il laisse volontiers tout le reste. "